Yves Jacob, romancier, essayiste et historien (1), né à Dinan et donc breton, publie en 1984 au Éditions Maritimes et d’Outre-Mer ce livre : Jacques Cartier de Saint-Malo au Saint Laurent, 450 ans après cette “découverte” importante de l’histoire du peuplement en Amérique du Nord. C’est un récit captivant où l’on apprend beaucoup sur la vision du monde de l’époque de François 1er. Le récit est clair avec un grand souci d’authenticité qui révèle ce que pouvait être ces voyages de découverte.
Même si des moines celtes (2), des vikings (3), des pêcheurs basques et bretons (4) allaient déjà sur ces côtes de l’ouest de l’océan depuis de siècles, ces terres restaient encore à découvrir. Le fameux passage direct vers les Indes restait inconnu par le nord ouest. On pensaient même que ces rivages étaient ceux du continent asiatique et non un ceux d’un nouveau continent qui barrait l’océan. L’Église avait séparé d’autorité les terrains de conquête entre les puissances catholiques espagnoles et portugaises par une ligne en les pôles laissant le terres du Brésil au Portugal et les terres à l’ouest à l’Espagne et de même de l’autre côté du globe passant par l’Indonésie.
Forts des récits des navigateurs le précédant (5), Jacques Cartier va à la rencontre des peuples en mettant en avant le dialogue plus que la force. S’il a pour mission de trouver des richesses, de l’or et des épices, il conçoit avant tout sa mission comme celle d’un découvreur et engage le dialogue avec les “sauvages”. Ce qui permettra de faire des descriptions très précises des peuples rencontrés : Iroquois, Huron, Algonquins en attirant leur confiance et de dresser des cartes détaillées des rivages et reliefs rencontrés.
Très vite, il devra affronter le rude hiver canadien et le scorbut qui décimera ses équipages et aussi la dure réalité de la conquête. Les gens que le roi lui fournira ne seront pas toujours dans la même vision (6), les massacres et pillages entacheront ce mouvement de peuplement.
Au troisième voyage (1541) s’ajoutera une grande amertume, François Ier a nommé Jean-François de la Roque de Roberval ” lieutenant général, chef, ducteur et capitaine de ladite entreprise…”, Jacques Cartier devient le pilote et le subordonné de ce seigneur. Parti en avant, le malouin croisera à Terre-Neuve son supérieur et repartira vers la Bretagne avec son chargement supposé précieux (7). Le navigateur malouin réussira à revenir sain et sauf, mais sans richesses. Il aura construit une légende qui lui permettra de finir sa vie à Saint-Malo loin du cours du Saint Laurent, cette belle voie d’eau qui en fait ne menait pas aux Indes.
https://www.babelio.com/livres/Jacob-Jacques-Cartier–De-Saint-Malo-au-Saint-Laurent/1343069
https://grandquebec.com/gens-du-pays/cartier-jacques/
https://grandquebec.com/systeme-politique-quebec/amerindiens-et-inuits/
(1) Récompensé à deux reprises par l’Académie française, Yves Jacob a reçu plusieurs prix littéraires, dont le prix Guillaume-le-Conquérant, le prix des Libraires de Normandie, le grand Prix de la ville de Rennes, et en 2004 le Prix du roman populaire
(2) “Dès le VIe siècle, le moine irlandais Brandan qui part à la recherche du Paradis, qui selon lui, doit se trouver très loin vers l’ouest, au bout de l’Océan”.
(3)”La saga de Karlsefni signale des Européens installés parmi les indigènes.”
(4)” Un acte de redevance cité par M. templier dans les Anales de Bretagne de janvier 1894 et conclu en 1514 entre les patrons pêcheurs de Bréhat et le chapitre de l’abbaye de Beauport-en-Kérity indique que des marins bretons fréquentaient depuis longtemps les parages de Terre-Neuve. Dans cet acte, le chapitre de Beauport déclare recevoir depuis “soixante ans et au-dedans” la dîme levée tant sur les “congres, morues, merlus et autres poissons, tant en côte de Bretagne, la Terre-Neuve, Islande et ailleurs”. En d’autres termes, vers 1450, la côte de Terre-Neuve était déjà connue des marins bretons et il est possible que ces parages aient été fréquentés bien avant.”
(5) Giovanni Caboto (Jean Cabot) à la solde du roi d’Angleterre Henry VII ; Gaspar et Miguell Real, des nobles portugais en 1501 ; Thomas Aubert soutenu par l’armateur dieppois Jean Ango en 1509 ; Une expédition portugaise menée par Fagundes ; Le Florentin, Giovanni Verrazano commandité par des banquiers par Jean Ango en accord avec François Ier.
(6) En outre cinquante prisonniers “par-devers lesquels sont aucuns prisonniers accusés ou prévenus d’aucuns crimes quels qu’ils soient, fors des crimes d’hérésie et de lèse-majesté divine ou humaine envers nous et des faux monnayeurs” seront choisis… Une circulaire du 7 février 1541 autorise à l’accompagner les malfaiteurs qui peuvent payer leur voyage et leur entretien pendant deux ans au Canada. Pour faciliter le départ, le 9 mars, François Ier habilite Roberval, chef de l’expédition à puiser directement les condamnés dans les prisons sans attendre que leur sentence soit rendue.
(7)”il ne va rêver longtemps. Quand la précieuse cargaison est expertisée par les joailliers du rois, il s’avère que l’or n’est que du cuivre et les diamants du cristal de roche et des micaschistes à facettes.“